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JOURNAL

venue au bord de l’eau toute une famille, le père et quatre ou cinq enfants déguenillés avec un pauvre paquet de hardes ; ça avait l’air d’un déménagement de misère. Je leur ai donné deux francs. Il fallait voir la joie, la surprise de ces misérables ! Je me suis cachée derrière les arbres. Le ciel ne m’a jamais si bien traitée, le ciel n’a jamais eu de ces bienfaisantes fan-. taisies.

Mercredi 20 décembre.-Je n’ai encore rien d’en train pour le Salon et rien ne se présente. angoisse !…

C’est une Samedi 23 décembre. – Donc ce soír nous avons à diner le grand, le vrai, le seul, l’incomparable BastienLepage et son frère.

On n’avait invité personne d’autre, ce qui était un peu gênant ; ils dinaient pour la première fois et ça semblait peut-être un peu trop intime, et alors la peur que ça devienne ennuyeux,

comprenez ! Pour le frère, il est ici reçu presque aussi familièrement que Bojidar, mais le grand, le seul, le vrai, etc. Enfin ce petit bonhomme qui, si pourtant il était en or, ne vaudrait tout de même pas son talent ; ce pelit bonhomme est gentil et flatté, je pense, d’être regardé comme cela ; personne ne lui a encore donné du « génie ». Je ne le lui dis pas non plus ; seulementje le traite comme tel et, par d’artificieux enfantillages, lui fais avaler des flatteries énormes. Bojidar vient un instant le soir ; il est dans une lune aimable, il abonde dans mon sens, il est de la maison, très heureux de rencontrer des Bastien et autres célébrités. Mais, pour que Bastien ne s’imagine pas que je pousse mon admiration à l’excès, je lui adjoins Saint-