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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Enfin ce qui fait qu’il a tant dit, ce docteur, c’est que depuis qu’il me voit ça va plus mal. Il soigne mes oreilles ; je ne lui ai parlé de la poitrine que par hasard, en riant, et alors il a écouté et il m’a ordonné des granules (il y a un mois) et surtout des saletés sur la peau, ce à quoi je n’ai pas.pu me décider, espérant que ça n’avancerait pas si vite. Alors je suis poitrinaire ? Depuis deux ou trois ans seulement. Et, en somme, ce n’est pas assez avancé pour que j’en meure, seulement c’est bien ennuyeux ! Oh ! oui ! Mais comment expliquer mon air bien portant et que je ne peux plus entrer dans mes corsages, qui ont été faits bien avant que je sois malade et au moment où il n’était question de rien ? II faut croire que je maigrirai subitement ; c’est peut-être parce que je suis jeune et que j’ai des épaules si larges, la poitrine bombée, les hanches si espagnoles ? Je n’en reviens pas de toutes ces catastrophes. Enfin, qu’on me laisse encore dix ans, et pendant ces dix années, de la gloire et de l’amour, et je mourrai contente à trente ans. S’il y avait avec qui traiter, je ferais un marché : -mourir à trente ans passés, ayant. vécu.

Mais je voudrais guérir… c’est-à-dire… arréter le mal ; ça ne se guérit jamais, mais on vit avec ça et : longtemps, autant que n’importe quel concierge. Poitrinaire

le mot y est, et la chose. vésicatoires

qu’on voudra, mais je veux peindre. Je pourrai masquer la tache par des corsages à fleur et des dentelles, et du tulle, et mille choses ravissantes, qu’on met sans en avoir besoin ; ça pourra étre même joli. Ah ! je me console. On ne met pas de vésicatoires toute sa vie ; après un an, deux ans enfin de soins, je serai comme tout le monde, je serai jeune… je… Je mettrai tous les

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