Page:Bashkirtseff - Journal, 1890, tome 2.pdf/480

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
475
DE MARIE BASHKIRTSEFF.

DE MARIE BAŞIKIRTSCFF. 475

Du reste, maman… il y aurait là un chagrin imrien que

d’y penser me fait pleurer ; j’ai beau mense ;

lui reconnaître des défauts. Elle est vertueuse, mais elle ne comprend rien et n’a pas confiance en moi… Elle croit toujours que tout va s’arranger et qu’il vaut mieux « ne pas faire d’histoires ».

Je crois que la mort qui me ferait le plus de peine ce serait encore celle de ma tante, qui s’est dévouée toute sa vie pour tout le monde et qui n’a jamais, pas une seule minute, vécu pour elle, sauf les heures passées à la roulette de Bade ou de Monaco. Il n’y a que maman qui soit gentille avec elle ; moi, je ne l’ai pas embrassée depuis un mois, et ne lui dis que des choses indifférentes ou des reproches sur un tas de bêtises. Ce n’est pas par méchanceté, mais c’est que je suis aussi très malheureuse, et que toutes ces discussions sur nos affaires avec maman et ma tante m’ont habituée à un ton bref, dur, cassant. Si je me mettais à dire des choses terndres ou seulement douces, je pleurerais comme une bête. Enfin, sans être tendre, je pourrais être plus aimable, sourire et causer quel- : quefois ; ça la rendrait si heureuse et ne me coûterait rien ; mais ce serait un tel changement dans mes manières, que je n’ose pas, par une sorte de fausse honte.

Et pouriant cette pauvre femme, dont l’histoire s’écrit en un mot « dévouement » m’attendrit, et je voudrais être gentille… et si elle venait à mourir, en voilà une qui me laisserait des remords ! Tenez, grand-papa, il m’impatientait quelquefois par des manies de vieillard, mais il faut respecter la vieillesse. Il m’est arrivé de lui répondre de travers, et, lorsqu’il a été paralysé, j’en ai eu tant de remords que