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JOURNAL

je venais trės souvent près de lui pour effacer, aiténuer, expier.

Et puis, grand-papa m’aimait beaucoup, et voilà qu’en pensant à lui

pleure. Vendredi 15 juin. lettre charmante ; du reste, tout le monde est très sympathique.

Ce matin, espérant ne rencontrer personne, je me risque à la salle Petit ; exposition des cent chefsd’œuvre au profit de quelque chose : lacroix, Fortuny, Rembrandt, Rousseau, Millet, Meissonier, le seul vivant, et d’autres. Et d’abord, je fais mes excuses à Meissonier, que je connaissais mal, et qui n’avait que des choses inférieures à la dernière exposition des portraits. Oui, ce sont des merveilles à la lettre.

Les Canrobert m’écrivent une Decamps, DeMais

ce qui m’a poussée à sortir mesvoiles de crêpe, c’est l’envie de voir Millet que je ne connaissais pas du tont et dont on m’assourdissait. —Bastien n’en est que le faible imitateur, disait-on.— Enfin j’en étais agacée. J’ai vu et je retournerai voir… Bastien en est l’imitateur si l’on veut, parce que ce sont des paysans et parce que tous deux sont de grands artistes, et que tous les veritahles chefs-d’euvre ont un air de famille. Les paysages du Cazia so rapprochent bien plus de Millet que ceux de Bastien. Chez Millet, dans les six toiles que je vois là, ce qui est beau c’est l’ensemble, l’harmonie, l’air, la fluidité. Če sont de petites figures vues d’une façon sommaire, très large et très juste. Et ce qui rend Bastien d’une force sans égale aujourd’hui, c’est l’exécution méticuleuse, forte, vivante, extraordinaire de ses figures humaines ; l’imitation parfaite de la nature, enfin la vie. Son Soir au village, qui n’est qu’une impression