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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Dimane he 11 novembre. — J’ai diné ce soir à Jouy ; je crois que j’aime vraiment ces gens-là. Ils sont intelligents et gentils. Je trouve presque du plaisir à les voir, ce n’est pas une corvée comme les autres. Changement de décor subit, tout est riant, calme et beau. Je sais ce que je veux faire, et tout va. Lundi 12 novembre. — Drumont, de la Liberté, vient nous voir,

Il déteste le genre que je fais, mais m’adresse. de grands compliments, tout en me demandant avecstupeur comment il se peut que moi, entourée d’élégance et de raffinements, j’aime le laid. Il trouve mes gamins laids.

Pourquoi ne les avez-vous pas choisis jolis, ce serait aussi bien ?

Je les ai choisis expressifs, si j’ose m’exprimer ainsi. Du reste, dans les gamins qui courent les rues, on ne voit pas tant que ça d’astres de beaulés ; il faudrait pour cela.aller aux Champs-Élysées et peindre les pauvres petits bébés enrubannés et flanqués de gouvernantes !

Où est le mouvement ? où est la liberté sauvage, primitive

? où est l’expression vraie, alors ? Dans les

enfants bien élevés, il y a déjà de la pose. Et puis… Enfin, j’ai raison. Samedi 17 novembre.

La campagne fait très tableaux.

— vivement sentir la beauté Les Parisiens ne peuvent l’adorer, mais s’ils se donnaient seulement la peine de regarder la campagne si grande, si simple, si belle, si poétique ; chaque brin d’herbe, les arbres, la terre, les regards des femmes qui passent, les attitudes des enfants, la démarche des