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JOURNAL

Mercredi 13 mars. — Julian a admiré en plaisantant mon stoïcisme, et l’Espagnole a remarqué que les gens qui travaillent froidement ne feront que des choses ordinaires. Quant à elle, elle y met tant de passion que voilà bientot quatre ans qu’elle travaille nuit et jour ; elle ne peut parvenir à mettre ensemble une têtę ou une académie, tout en ayant des qualités pour empâter. Si j’étais homme je ne voudrais pas l’épouser, elle ne produit que des ceuvres disloquées. Mes oncles en personne, qui ne se connaissent pas en amitié, telle qu’elle se pratique entre des gens comme C… et moi, supposent que je m’intéresse à lui tendrement ; on voit bien qu’ils ne comprennent pas, car, mettre son amour dans… c’est vouloir se créer un intérieur sur… le pont d’Avignon. Samedi 16 mars. Je suis allée voir l’exposition aux Mirlitons. J’aime vraiment mon métier et je suis heureuse de m’en assurer toujours davantage. Depuis quelque temps, m’a dit Robert-Fleury ce matin, il y a une certaine limite que vous ne pouvez franchir ; ce n’est pas bien. Avec vos dispositions vraiment réelles vous ne devriez pas vous arrêter aux choses faciles ; d’autant plus que le plus difficile, vous l’avez. Je le sais pardieu bien ! Un portrait à faire à la maison, et puis les tracas domestiques… Mais cela ne me troublera plus, je ne le veux pas. C… ne me donnera rien, tandis que la peinture me donnera quelque chose. Mais lundi ! comme je franchirai la limite dont parle Robert-Fleury l Il faut surtout être bien persuadée qu’il faut arriver et que l’on arrivera. Samedi 23 mars. Je vous avais promis de franchir cette limite dont me parlait Robert-Fleury.