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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

coup Sully-Prudhomme d’écrire des choses que je saisis avec tanl de peine. Le maniement de ces idées lui est familier comme à moi le maniement des couleurs… Il devrait donc aussi avoir une sainte vénération pour moi, parce qu’avec quelques couleurs boueuses, comme a dit l’antipathique Th. Gautier, je fais des visages qui expriment des sentiments humains et des tableaux où on voit la nature, les arbres, l’air, les lointains. —

Il doit se croire mille fois supérieur à un peintre, en fouillant inutilement dans le mécanisme de la pensée humaine. Qu’est-ce qu’il apprend à lui et aux autres ?

Comment l’esprit fonctionne ? En donnant à tous ces mouvements intellectuels, rapides, insaisissables, des noms… Moi, pauvre ignorante, je pense que cette subtile philosophie n’apprendra rien à personne ; c’est une recherche, un amusement délicat et difficile, mais pourquoi ? Est-ce en apprenant à donner des noms à toutes ces choses abstraites et merveilleuses que se furmeront les génies qui écriront de beaux livres ? Ou les hommes extraordinaires qui penseront, à la téte de l’univers ?

Et puis l’homme, dit-il, ne peut connaitre de l’objet que ce par quoi il est en.communication avec lui, etc. La plupart de ceux qui me liront n’y entendront rien, pourtant, je citerai encore ceci : « notre science ne peut donc excéder la connaissance de nos catégories appliquée à nos perceptions ». Bon, évidemment nous ne pouvons comprendre plus que nous ne pouvons comprendre. C’est clair.

Si j’avais eu une éducation raisonnable, je serais très remarquable. J’ai tout appris moi-même, j’ai fait moimėme le plan de mes études à Nice avec les profes-