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JOURNAL

souffrances, il est décidé à revenir d’aujourd’hui en huit. Il charge l’architecte de m’envoyer son amitié et de me remercier pour la broderie. Il y a un an ça m’aurait transportée. Il voudrait pouvoir m’écrire ! Je, n’en jouis que… rétrospectivement, car, à l’heure qu’il est, ça m’est à peu près indifférent. Au bas de la lettre il y a ma tête avec la médaille d’honneur pour 1886.

Il aura été touché de la façon délicate dont je consolais son frère dans ma lettre ; la lettre commençait sérieusement, contenait des « paroles fortifiantes » et finissait en plaisanteries, ce qui est mon genre le plus habituel.

Mercredi 25 juin. — Relisez męs cahiers de 1875, 4876 et 1877. Je me plains là de je ne sais quoi ; ce sont des aspirations vers quelque chose d’indéfini. Je restais meurtrie et découragée tous les soirs, me dépensant à chercher quoi faire avec fureur et désespoir. Aller en Italie ? rester à Paris ? me marier ? peindre ? que devenir ? En allant en Italie je ne serais pas à Paris, et c’était une soif d’être partout !  ! Ce qu’il y avait là de force ! 1 !

Homme, j’aurais conquis l’Europe. Jeune fille, je me dissipais en excès de langage et en niaiseries excentriques. Misère !

· 1l y a des moments où on se croit naïvement apte à tout : « Si j’avais le temps je sculpterais, j’écrirais, je scrais musicienne ! »

C’est un feu qui vous dévore. Et la mort est au bout, inévitable,

que je me consume en vains désirs ou non.

Mais si je ne suis rien, si je ne dois rien être, pourquoi ces rêves de gloire depuis que je pense ? Pourquoi