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JOURNAL

Jeudi 7 août. — Vendredi 8 août. — Samedi 9 août.

Ces dames ont été porter une petite glacière rue Legendre. Il avait envie d’en avoir une qu’on pourrait mettre près du lit.

Pourvu qu’il ne pense pas qu’on le comble pour carotter un tableau ! Mon tableau à moi est ébauché en couleur. Mais je ne suis pas vaillante.

Il faut que je me repose souvent en me couchant, et quand je me relève, chaque fois la tête me tourne et pendant quelques secondes je n’y vois plus. Enfin c’est à un tel point que j’ai quitté ma toile vers cinq heures pour aller au Bois dans les allées désertes. Lundi 11 août.

Je suis sortie à cinq heures du matin pour faire une esquisse, mais il y avait déjà du monde et je suis obligée de m’en aller furieuse. Ils étaient vingt autour du fiacre, fermé pourtant. L’après-midi, je parcours de nouveau les rues, rien ne tient plus !

Je vais au Bois. Mardi 12 août.-En somme, mes amis, tout ça signifie que je suis malade. Je me traîne et je lutte ; mais ce malin, j’ai bien cru être sur le point de capituler, c’est-à-dire me coucher et ne plus rien faire. Alors tout de suite, il est revenu un peu de force et j’ai encore été chercher des choses pour mon tableau. Ma faiblesse et ma préoccupation m’éloignent du monde réel ; jamais je ne l’ai compris avec une telle lucidité, lucidité au delà de ce que je puis donner d’ordinaire. Tout cela apparait en détail et avec une clarté attristante.