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DE MARIE BASHKIRTSEFF.

Je n’étais que bête. Ne pensez pas que je me dise bête par gentillesse ou coquetterie. Je le dis avec la plus profonde tristesse, car j’en suis convaincue.

Et c’est moi qui voulais avaler le monde ?… À dix-sept ans je suis un être blasé, on ne sait pas ce que je suis. Je sais que je suis bête, A… en est la preuve.

Et pourtant quand je parle, j’ai de l’esprit ; jamais quand il en faut, c’est vrai, mais…


Jeudi 20. — Vendredi 21 septembre. — Profond dégoût de moi-même. Je hais tout ce que j’ai fait, dit et écrit. Je me déteste parce que je n’ai justifié aucune de mes espérances. Je me suis trompée.

Je suis bête, je manque de tact et j’en ai toujours manqué. Désignez-moi une parole d’esprit ou un acte raisonnable de moi. Rien que de la bêtise ! Je me croyais spirituelle, je suis absurde. Je me croyais hardie et je suis peureuse. Je me croyais du talent et je ne sais où je l’ai mis. Et avec ça, la prétention d’écrire des choses charmantes ! Ah mon Empereur ! vous prendrez peut-être pour de l’esprit ce que je viens de dire ; ça en a l’air, mais ça n’en est pas. J’ai l’adresse de me juger exactement, ce qui fait croire à de la modestie et à un tas de choses. Je me hais !


Samedi 22 septembre. — Je ne sais comment cela se fait, mais je crois que j’ai envie de rester à Paris. Il me semble qu’une année d’atelier Julian ferait bien comme base.


Mardi 2 octobre. — C’est aujourd’hui que nous déménageons au 71 des Champs-Élysées. Malgré tout ce remue-ménage, j’ai eu le temps d’aller à l’atelier