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journal de ma vie

Prechethovits, et apres disner nous dansames, ou je commençay de devenir amoureux de madame Ester, cette vefve, quy me fit paroistre n’estre pas marrie de mon dessein, que je luy descouvris en partant du logis, comme ses sœurs alloint conduire le Rosworm ; car elle y correspondit de sorte qu’elle me donna moyen de luy escrire, et me manda les lieux ou elle alloit, pour m’y trouver. J’allay aussy parfois la voir sous la couverture de l’amitié que j’avois contractée a l’armée avec son jeune frere, Wolf de Prechethovits ; mais comme le caresme-prenant approchoit, son pere s’en allant a Carlestein, elle fut forcée de partir.

Au sortir de ce disner et du bal de cheux Prechethovits, le Rosworm, pensant m’obliger, m’embarqua en une assés mauvaise affaire. Il avoit traitté avec un hoste de la Nouvelle-Ville, que pour deux cens ducats, il lui livreroit ses deux filles, quy estoint tres belles ; et je pense qu’il surprit ce pauvre homme estant ivre, pour luy faire cette promesse, comme il apparut en suitte. Car, comme nous fusmes arrivés a deux cens pas de cette hostellerie, nous descendimes de carrosse, qu’il commanda de tourner et de nous attendre la ; et le Rosworm et moy, avec un sien page boheme pour nous servir de truchement, allames en cette hostellerie : nous trouvasmes le pere dans son poile[1] avec ses deux filles quy travailloint a leurs ouvrages, quy fut aucunement estonné de nous voir, et plus encores lors que le Bosworm luy fit dire que nous luy portions chascun cent ducats pour avoir le pucellage de ses

  1. Dans la chambre où était le poêle.