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journal de ma vie

bon, avec un nommé le Fay, vindrent passer pres de nous pour nous arrester, et luy me dit : « A une autre fois ! » Mais je luy criay qu’il montat a cheval ; ce qu’il fit, et a nostre parolle nous nous peumes approcher et rencontrer : mais comme j’y arrivois, Carbon, quy nous vouloit separer, rencontra le cheval de Noé de flanc, et le porta par terre. C’estoit un grand embarras dans l’espaisseur de ce brouillard ; car je faillis a tuer la Graulas, le prenant pour Noé. En fin je m’en allay a Gentilly, ne pouvant plus supporter ma medecine ; et Trigny[1], La Feullade[2], et quelques autres, arriverent, quy me ramenerent bien malade au logis. Toutefois, parce qu’il y avoit un ballet de filles quy se dansoit le soir a l’Arsenac, ou le roy, la reine, et les princesses estoint, et que je fus convié de m’y trouver, je ne laissay pas d’y aller en l’estat que j’estois, et d’y demeurer jusques au lendemain ; dont je fus sy mallade que j’en pensay mourir, et ne me levay du lit que le mardy gras pour aller a l’Arsenac, ou l’on couroit une bague que Mlle  de Montmorency donnoit. Je ne courus point, car j’estois encores trop foible ; mais le roy m’appella aupres de luy pour luy ayder a entretenir la dame quy donnoit la bague, ce que je fis assés bien : mais il y eut une brouillerie pour un gant quy luy manquoit, lequel d’Andelot[3], sans

  1. François de l’Isle, seigneur de Trigny, gouverneur d’Amiens, mort en juin 1611.
  2. Georges d’Aubusson, baron, puis comte de la Feuillade, fils aîné de François d’Aubusson, seigneur de la Feuillade, et de Louise Pot de Rodes, capitaine-lieutenant des chevau-légers de la reine, mourut le 26 avril 1628.
  3. Charles de Coligny, marquis d’Andelot, fils puiné de Gas-