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journal de ma vie

en toute la chretienté, qu’un dauphin de France, heritier infaillible de la couronne ? Quelle plus grande qualité que d’estre la premiere des reines chretiennes ? Que peut elle desirer de plus avantageux pour ses enfans, que de les voir rois de France apres son mary, et ducs de Lorraine apres elle ? En fin toutes choses conspirent, quant a elle, a ce dessein, et pour son bien, que, comme pere, vous luy devés procurer, vous n’en sçauriés souhaiter davantage. J’adjouste que sy vous et madame leur mere veniés a manquer avant qu’estre mariées, elles tomberoint entre les mains de la reine leur grand tante[1], et belle mere de l’une, quy en auroit soin comme de ses propres filles, et auroint la protection du roy et d’elle contre les violences ou injustices que son oncle[2], ses parens, ou d’autres princes voudroint exercer sur elle. »

« Mais vostre maison, et les princes quy en sont descendus, vous sont chers : vous désirés de laisser vostre succession en la mesme maison d’ou elle vous est venue, et de perpetuer vostre nom. J’avoue que ce sont des desirs legitimes et bienseants, et que l’affection fraternelle vous doit toucher bien vivement, et tacher de faire tomber a ses fils, par mariage, ce que, par procreation, vous n’avés peu procurer aux vostres successivement. Mais sy S. A. vostre pere n’eut point laissé d’enfans masles, la race de Medicis eut possédé la Lorraine ; sy le duc François, vostre grand pere,

  1. Marguerite de Gonzague, mère des deux jeunes princesses, Nicole et Claude, était fille d’Éléonor de Médicis, sœur de la reine.
  2. Leur oncle, le comte de Vaudemont, frère du duc de Lorraine.