Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/312

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
276
journal de ma vie

tois jetté a ses piés, que je tenois embrassés, pleurant amerement. Mr  de Guyse arriva lors, pleurant aussy, quy le vint embrasser ; et en ce mesme instant, Caterine, femme de chambre de la reine, vint appeller Mr  de Guyse, Mr  le Grand, et moy. Nous la trouvasmes sur un lit d’esté en son petit cabinet, n’estant encores habillée ny coiffée, quy estoit dans une extreme affliction, ayant pres d’elle messieurs le chancelier et de Villeroy. Nous nous mismes tous trois a genoux, et luy baisames l’un apres l’autre la main, avesques assurance de nostre fidelité à son service. Lors Mr de Villeroy luy dit :

« Madame, il faut suspendre ces cris et ces larmes, et les reserver lors que vous aurés donné la seureté a messieurs vos enfans, et a vous : [commandés, s’il vous plait, a Mr  de Guyse d’aller a l’hostel de ville avec le plus de gens qu’il pourra amasser, et faire que le corps de ville vienne reconnestre le roy et vous][1] ; que Mr  de Bassompierre prenne ce qu’il pourra ramasser de tant de chevaux-legers quy sont sous sa charge, et quy sont maintenant a Paris, et qu’il marche par la ville pour appaiser le tumulte et la sedition. Ne manqués pas a vous mesme, Madame, et a ce quy vous doit estre sy cher, quy sont vos enfans. Mr  le Grand demeurera aupres du corps du roy, et, s’il est besoin, aupres de monsieur le dauphin. »

Elle nous pria donc de nous acheminer, ce que nous fismes en diligence. L’on nous fit sortir par le Jeu de paume ; et allames a pied a mon logis, ou je trouvay

  1. Inédit.