Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 1.djvu/358

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
322
journal de ma vie

temps que vous luy venés de tuer, quasy sur sa robe, le baron de Lus, elle aille faire, a vostre requeste, revenir un domestique du roy, qu’elle n’a fait qu’eslongner, le pouvant emprisonner avesques quelque apparence de rayson, pour avoir refusé de se retirer de cheux vous sur un commandement quy luy en estoit fait de sa part, et avoir parlé trop hautement a celuy qu’elle avoit envoyé. Faites vous justice a vous mesme, et vous trouverés que vous luy devrés de reste. »

Il me quitta pour aller trouver madame sa sœur, et disner avec elle, et me dit : « Je m’asseure qu’un jour elle confessera elle-mesme, quand ces gens icy la tyranniseront, qu’elle a eu tort de me perdre, et qu’elle me recherchera un jour ; et moy lors je me tiendray sur mes piés de derriere, et me feray acheter cherement. »

Je m’amusay encores expressement[1] a parler a deux ou trois personnes, et quand je pensay que la reine pouvoit avoir achevé de disner, je feignis que quelqu’un me prioit de luy aller sur l’heure demander quelque chose, et remontay cheux elle. Elle estoit encore assise devant la table où elle avoit disné, et dès que j’entray, elle s’en leva, et sans regarder derriere elle, elle s’en alla en son cabinet. J’allay apres, feignant estre pressé de luy dire un mot.

Elle me dit en entrant : « Je n’ay mangé que du poyson en mon disner, tant j’ay l’estomac gasté et perverty ; sy cecy me dure longtemps, je crois que je

  1. Exprès.