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journal de ma vie.

de la persuader avesques plus d’efficace : mais elle, plus aheurtée que jammais, me reproche ma lacheté et ingratitude de vouloir abandonner la reine quy nous a donné ou fait acquerir par son moyen tant d’honneurs et de biens : de sorte, Monsieur, que je me vois perdu sans remede ; et sy ce n’estoit que j’ay tant d’obligations a ma femme [comme chascun sçait][1], je la quitterois et m’en irois en lieu là ou les grans ny le peuple de France ne me viendroint pas chercher. Jugés, Monsieur, sy j’ay rayson de m’affliger, et sy outre la perte de ma fille, ce second desastre[2] ne me doit pas doublement tourmenter. »

Je luy dis ce que je peus tant pour le consoler que pour le divertir de cette pensée, et puis me retiray ; et ay voulu faire voir par ce recit comme les hommes et principalement ceux que la fortune a eslevés ont des inspirations et des prevoyances de leur malheur : mais ils n’ont pas la resolution de le prevenir pour l’esviter[3].


1617.
Janvier.


L’année se finit par les noces de Mr le duc de Crouy et de Mlle d’Urfé[4] : et celle de 1617 commença joyeu-

  1. Inédit.
  2. Il y avait aux précédentes éditions : désordre.
  3. Il est à remarquer que dans l’Histoire de la mère et du fils, publiée sous le nom de Mézeray, mais attribuée au cardinal de Richelieu, l’auteur intervertit les rôles et prête à la maréchale d’Ancre un désir de retraite auquel son mari aurait résisté.
  4. Suivant le P. Anselme le contrat fut signé par le roi seulement le 6 janvier 1617.