Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 2.djvu/160

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
journal de ma vie.

le grand prieur que je trouvay avec le comte de Saint Aignan et le chevalier de l’Espinay. Je pris congé d’eux, et en embrassant ledit chevalier je luy dis : « Moy d’un costé et vous de l’autre, n’est ce pas ? Y a il rien de changé ? » Il me dit : « Tout est prest a partir a onse heures du soir. » J’allay de là cheux le cardinal : je luy parlay de la part de Mr de Luynes ; mais je le trouvay aussy irresolu que luy et vis bien qu’il ne vouloit pas charger ses espaules d’un genereux avis duquel puis apres on luy peut faire reproche.

Je m’en revins cheux monsieur le chancelier et trouvay que Mr le president Jannin avoit par de fortes raysons persuadé de les laisser aller sans leur rien dire ny empescher leur dessein, disant que Mr le Comte ny madame la Comtesse n’apportoint que de la fumée et ostentation[1] au party de la reine et nul avantage ou proffit ; et qu’estans mal intentionnés au service du roy, il estoit a desirer qu’ils s’en allassent de Paris d’ou le roy quasy ne se pourroit eslongner, s’ils y estoint ; que tous ces princes se nuiroint l’un l’autre[2], que l’on en pourroit retirer par apres quy l’on voudroit, et que ce seroit comme des moutons, qu’apres que l’un auroit franchy le saut, les autres y courroint en foule. Ainsy il fut resolu, et les chevaux legers renvoyés.

Mr de Luynes me pria de voir leur partement et de l’en avertir a l’heure mesme affin de le mander au roy. Je luy demanday un de ses gens qu’il me donna,

  1. Il y avait aux précédentes éditions : offuscation.
  2. Il y avait : s’en iroient l’un après l’autre.