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journal de ma vie.

battaillons de Champaigne, de sorte qu’en ce seul point, sy les ennemis nous eussent chargés, nous estions capables d’estre renversés. Mr de Crequy quy a l’œil tres excellent a la guerre[1], vit aussy tost cette faute et me dit : « Cousin, nous sommes perdus sy les ennemis nous chargent : Zammet marche par devant Champaigne. ». J’y courus lors a toute bride, et en allant fis marcher les deux battaillons de Champaigne devant lesquels il n’estoit encores passé, et ayant fait faire halte a Picardie je le fis passer par derriere Champaigne ; et les ennemis, ou ne s’en aviserent pas, ou ne voulurent pas se servir de cette belle occasion.

En ce temps nous avions gaigné la haye gardée par le regiment du marquis de la Flosseliere[2], nouvellement arrivé et levé, et dont les soldats lascherent le pié des qu’ils se virent attaqués et coururent par la plaine jusques a ce qu’ils fussent derriere leur cavalerie. Allors nos gens, de la haye, tirerent a la cavalerie et la firent desloger de la plaine pour se retirer dans leur retranchement. Le canon de la ville nous tira cinq ou six volées sans toucher a aucun de nos battaillons : nos deux canons arriverent quy firent riposte. Nous vismes la retraitte de Mr de Rets et de ses trouppes quy passoint sur les ponts avesques les enseignes quy

  1. On voit par le temps présent employé dans ce membre de phrase que cette partie des mémoires a été écrite avant l’année 1638, au commencement de laquelle le maréchal de Créquy fut tué.
  2. Jacques de Maillé, marquis de la Flocelière, second fils de Claude de Maillé, seigneur de Brezé, et de Robinette Hamon, dame de la Flocelière, mourut en 1641.