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journal de ma vie.

de dix chevaux chascun, composés de gentilshommes volontaires, dont Mr de Poigny[1] eut la charge de l’un, et Mr de Bes[2] de l’autre. Ainsy nous allasmes, salade en teste, droit aux ennemis quy estoint a douse cens pas de nous en battaille contre les hayes de Saint Saturnin, lesquels estoint infailliblement perdus pour n’avoir lieu de retraitte et n’estre que trois cens chevaux, que bons que mauvais, de trouppes nouvelles levées, contre nous quy en avions le double de trouppes entretenues et les plus belles du monde. Mais par malheur il arriva qu’un capitaine de carabins nommé la Haye en quy Mr de Pralain avoit creance, vint mettre en l’esprit irresolu de Mr de Pralain qu’infailliblement ces hayes estoint farcies de mousqueterie, laquelle nous mettroit d’abord la moitié de nos gens par terre et l’autre en desordre, ce qu’il luy imprima sy bien dans l’esprit qu’a l’heure mesme il m’envoya dire de me retirer. Je creus qu’il se moquoit de moy et luy manday que nos chevaux avoint rompu leur gourmette et nous emportoint droit aux ennemis, sur quoy il vint a toute bride a nostre teste et cria halte, puis nous dit : « Mordieu, ne me reconnoit on pas icy pour y avoir le premier commandement ? » Je luy dis : « Quy vous le dispute ? Mais je ne crois pas que Dieu vous veuille tant de mal que de

  1. Jean d’Angennes, marquis de Poigny, fils de Jean d’Angennes, seigneur de Poigny, et de Madeleine Thierry, dame de Boisorcan, mourut en 1637.
  2. René de Betz, seigneur de la Harteloire, fils de Charles de Betz, seigneur de la Harteloire, et de Madeleine de Héliant, fut tué au siège de Montauban.