Page:Bassompierre - Journal de ma vie, 2.djvu/23

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
1615. octobre.

doint en leur absence, en firent le semblable à leur imitation et donnerent a toute bride jusques au corps de garde avancé de Mr du Maine, que commandoit le baron de Poully[1], ou ils perdirent un gentilhomme de Montglat nommé Loumiere : bien disent ils qu’ils blesserent le baron de Poully. En ce mesme temps quelques autres chevaux legers se voulans desbander pour suyvre ces chefs, Mr de Constenant leur cria qu’ils tournassent teste, ce que les carabins croyans estre dit pour eux, se retirerent, et a leur imitation les chevaux legers, tant il est de consequence de se bien expliquer.

Allors Mr de Pralain, Marillac et moy, [quittans nos gros][2], courusmes aux chevaux legers sçavoir la cause de leur retraitte sans l’ordre de Mr de Pralain, lesquels dirent que leurs chefs leur avoint crié. Sur cela Mr de Pralain leur dit qu’ils se missent a costé et derriere les deux compagnies de gens d’armes, et me dit lors : « Sy je les faisois retourner a leurs postes, ils ne feroint rien quy vaille ; car leurs chefs leur ont par mesgarde donné l’allarme ; » quy fut la seule chose qu’il dit ou fit en capitaine de tout ce jour. Il me dit en suitte : « Mon fils, c’est a vous à avoir la teste ; gouvernés vous en sage capitaine et non en jeune esventé comme ces messieurs quy ont abandonné leurs trouppes. » Sur ce, je mis ma trouppe en deux gros de soixante chevaux chascun, et deux de coureurs

    Harlay, baron de Monglat, et de Françoise de Longuejoue, était grand louvetier de France. Il fut tué peu de temps après dans un duel avec Vitry.

  1. Sans doute Simon de Pouilly, baron d’Esne et de Manonville, qui fut maréchal de Barrois et gouverneur de Stenay.
  2. Inédit.