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journal de ma vie.

fices pour les brusler en cas qu’ils ne les peussent tirer du lieu ou ils estoint, et avoint garny leurs courtines de mousqueterie quy tiroint a nos gens a descouvert lors que ces gabions n’y estoint plus et en tuerent huit ou dix. En fin nous tirions contre eux nos gabions, et n’en peurent[1] abattre que sept. Puis quelques mousquetaires s’estans avancés jusques sur le bord dudit chemin creux, les tiroint a plomb, et quantité de pierres que nous leur fismes jetter leur firent quitter ce chemin et se retirer en la ville : et une chose que nous avions faite la nuit contre eux leur fut favorable, quy estoint deux traverses contre ledit chemin, quy impossibilita[2] nostre descente a eux et nous osta le moyen de donner sur leur retraitte.

La nuit suyvante un Suisse de ma compagnie, nommé Jaques, nous dit que sy je luy voulois donner un escu, qu’il rapporteroit les gabions que les ennemis avoint renversés dans le chemin pourveu que l’on luy voulut faire passage, ce que nous fismes ; et ce quy nous estonna le plus fut que cet homme rapportoit les gabions sur son col, tant il estoit robuste et fort. Les ennemis luy tirerent deux cens arquebusades sans le blesser, et apres en avoir rapporté six, les capitaines des gardes [quy voyoint une telle hardiesse][3] me prierent de ne mettre plus en hasard pour un gabion quy restoit encores, un sy brave homme : mais il leur dit qu’il y en avoit encores un gabion de son marché et qu’il le vouloit rapporter, ce qu’il fit.

  1. Il y avait aux précédentes éditions : pûmes.
  2. C’est-à-dire : ce qui impossibilita.
  3. Inédit.