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1615. octobre.

Prince fut roy : bien me confessoit il qu’il avoit dit, voyant madame la Princesse sy belle et jolie, qu’elle meritoit d’estre reine, mais qu’il n’avoit jammais entendu que ce fut de France. Moy quy estois de sa mesme religion, entrepris son salut et luy promis de l’assister. Je m’en allay a l’heure mesme au conseil ou j’estois mandé cheux monsieur le mareschal auquel je dis le crime du chanoyne Miette et la passion et interest que j’avois a son salut, ce qu’il m’accorda.

J’avois trouvé en entrant a la chambre de monsieur le mareschal tous les condamnés a sortir de la ville, quy me firent tant de prieres, summissions, et pitié, que mon cœur se tourna en leur faveur ; ce quy me convia de dire a Mr de Refuges : « Pour quel sujet veut on deserter cette ville des principaux habitans, la plus part desquels n’ont autre crime que l’inimitié des deux lieutenans et de l’archediacre ? Pensés vous que cela conserve mieux la ville ? Au contraire cela y fera naitre tant de dissensions et de brigues par les parens et amis des chassés, que cent hommes des partisans de Mr le Prince, quy se presenteront aux portes quand nous en serons eslongnés, seront capables de s’en saysir, n’y ayant point de garnison. Je serois d’avis de conserver par douceur ce que vous ne voulés ou pouvés garder avec force, et en obligeant ces gens condamnés, vous les rendre affectionnés et fidelles. » Mr de Refuges me respondit qu’il entroit dans mon sentiment et que sy j’en faisois la proposition, qu’il l’appuieroit de toutes les raysons que son esprit luy pourroit suggerer. Allors j’allay parler a Descures que je gaignay aussy, et quand j’eus ces deux a ma devotion, je me sentis asseuré de faire faire aux autres ce que je voudrois. Donc, sur