En mesme temps parurent les ennemis : mais ils ne s’avancerent point ny n’entreprindrent de venir baiser[1] le ruisseau. Monsieur le mareschal fut conseillé par tous les chefs de se loger avec l’armée a Chanlay et a ..... : mais comme l’un estoit bruslé et l’autre peu logeable, que son disner estoit preparé a Joygny, il ne sceut estre persuadé de le faire, ce quy fut une grande faute ; car nous forcions par ce logement les ennemis de se jetter dans le Morvant[2] et de perdre dans ce meschant païs leur bagage, infanterie, et canon, et prendre le haut du Nivernois a passer le reste de leurs trouppes quy eussent peu fuir devant nous, au lieu que nous nous amusames trois jours a Joygny et leur donnames loysir de prendre le logis de Charny[3] et de nous devancer a la rivière de Loire. C’estoit l’opinion de Descures, de Montalant, et de Pigeolet[4], quy connoissoint parfaitement bien ce païs là, et ce qu’il falloit faire.
Ce mesme Pigeolet voyant que les ennemis avoint la teste tournée devers Gien pour y passer, et, comme il estoit du païs, sçachant que sy les ennemis y arrivoint les premiers, on leur en ouvriroit la porte, proposa a monsieur le mareschal de s’y aller jetter sy on luy vouloit donner deux compagnies de son regiment de
- ↑ Approcher.
- ↑ Le Morvan, pays montagneux compris en partie dans le département de la Nièvre, avec Château-Chinon pour ville principale, sépare le bassin de la Seine de celui de la Loire.
- ↑ Charny, chef-lieu de canton de l’arrondissement de Joigny, à 6 lieues S. O. de cette ville.
- ↑ Pigeolet était lieutenant-colonel du régiment de Champagne.