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journal de ma vie.

lesquels a la premiere volée de canon quy leur fut tirée, s’enfuirent au galop.

Nous passames lors le vallon et marchames quelque deux cens pas jusques a ce que quattre volées de canon des ennemis nous furent tirées, et nous fut commandé de faire halte. Le canon des ennemis estoit logé a l’advantage et leurs trouppes mal en ordre dans le fond proche de Bonny, et sy nous nous fussions toujours avancés, nous les deffaisions sans combat, comme il fut representé par plusieurs des chefs a monsieur le mareschal : mais il se fascha et dit a ceux quy luy parlerent qu’il sçavoit son mestier, qu’il avoit ses ordres du roy, lesquels il sçauroit bien executer et luy en respondre. Ainsy il nous laissa canonner par les ennemis pres de quattre heures sans s’avancer ny reculer, sans entreprendre ny seulement vouloir permettre que l’on gaignat un bois a la gauche, lequel occupé eut forcé les ennemis de quitter leur poste, et se fussent deffaits eux mesmes. Je n’ay veu, devant ny depuis, armée sy leste ny de sy bonne volonté et quy fit meilleure mine que celle là, et puis dire que sy Dieu n’eut ce jour là aveuglé monsieur le mareschal, il pouvoit sans peril acquerir une grande gloire : il avoit les ennemis entre ses mains quy ne pouvoint reculer ny refuser de combattre ; ils estoint en desordre, n’ayans toutes leurs trouppes ensemble ; la cavalerie de Mr de Longueville estoit a trois lieues de là, quy estoit la plus leste de leur armée ; ce quy estoit là avoit l’espouvante, c’estoint trouppes nouvelles mal armées et quy eussent rendu peu ou point de combat.

En fin monsieur le mareschal nous fit repasser le ruisseau, et camper l’infanterie avec le canon sur le