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1615. octobre.

pour luy il ne sçavoit plus que luy dire, et qu’il feroit simplement ce qu’il luy commanderoit, puis qu’il ne vouloit point se servir de son conseil. Monsieur le mareschal dit a l’Espinay quand il luy eut fait rapport de ce que nous luy mandions : « Bon, bon, mon amy, voila quy va bien, c’est ce que je demande ; dittes leur qu’ils viennent demain de bon matin me trouver, et nous tiendrons conseil de ce qu’il nous faudra faire. » Nous pensames desesperer de cette response et fusmes sur le point de faire tirer trois coups de canon et luy donner l’allarme pour le faire lever : mais le lieutenant de l’artiglerie dit qu’il ne l’oseroit faire sans l’ordre de monsieur le mareschal ou de Mr  de Pralain. Ainsy nous attendismes le jour[1] et vinsmes au logis de monsieur le mareschal quy nous fit attendre a sa court plus d’une heure parce qu’il faisoit panser sa jambe : de là il tint conseil, aussy gay que sy tout fut allé le mieux du monde, et nous dit : « Au moins avons nous fait enterrer hier les ennemis du roy, (parce que leur armée avoit un poste couvert), et aujourdhuy nous les ferons noyer. » Je demanday a monsieur le mareschal qu’il me permit d’aller pour le moins voir le passage des ennemis avesques les gentilshommes volontaires quy me voudroint suyvre ; et comme il ne me dit ny ouy ny non, je prins cela pour une permission et m’y en allay.

Je marchay jusques a Bonny sans rencontrer un seul homme : les habitans me dirent, en me presentant leurs clefs, que Mr  le Prince et les autres chefs estoint

  1. Le jour du 29 : les messages avaient eu lieu pendant la nuit.