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1616. janvier.

tance que Mr de la Rochefoucaut et le maire me donneroint, et qu’en mesme temps que la court sortiroit on les feroit entrer. Je connoissois assés quel peril c’estoit d’introduire une garnison a Poitiers[1], et m’excusay le plus que je peus d’accepter cette commission, disant a la reine que le gouverneur de la ville et le maire estoint plus que suffisans a cela ; mais il fallut que j’eusse la courvée, ce quy me reussit plus heureusement que je ne me l’estois imaginé ; et n’y eut jammais aucune sedition ny rumeur, tant a l’establissement qu’au sejour.

Je demeuray huit jours a Poitiers, au bout desquels je fis resolution d’aller trouver le roy a Tours, et pour cet effet je vins a la maison de ville le mardy 26me, et voulus prendre congé de la ville avant que partir. Mais ils me dirent franchement qu’ils ne me pouvoint laisser aller ; que sur la seule confiance qu’ils avoint eue que je demeurerois avesques les Suisses, ils avoint souffert que l’on les eut logés a Poitiers, ce qu’ils n’eussent permis sans cela, et que la reine leur avoit donné parole que je ne partirois de Poitiers ; que tout ce qu’ils pouvoint faire estoit d’en escrire a la court de laquelle ils s’asseuroint que j’aurois ordre de demeurer. Je jugeay que de contester avesques eux ce seroit peine perdue : je leur dis qu’ils en pouvoint escrire a la court et que je ferois ce que Leurs Majestés me commanderoint, sans leur dire que je supersederois ou que je m’en irois. Ainsy l’assemblée de ville se

  1. On se rappelle les troubles qui avaient éclaté à Poitiers en 1614, lorsque le prince de Condé avait voulu y introduire des troupes. Voir t. I, p. 375.