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journal de ma vie.

pour soustenir un effort s’il en arrivoit, et y mourir pour le service du roy comme je me le promets de vous. » Je luy respondis : « Madame, je ne tromperay point la bonne opinion que Vostre Majesté a de moy, et elle le connestra aujourdhuy sy le cas y eschet. Cependant, Madame, trouvés bon que j’aille faire avertir les Suisses des quartiers. » « Non, dit elle, vous ne sortirés pas. » Je luy dis : « Vous estes estrange de vous deffier d’un homme entre les mains de quy vous voulés en suitte fier la personne du roy, la vostre, et celle de vos enfans. J’ay a cette porte un homme en quy je me fie, que j’envoyeray par les quartiers. Fiés vous sur moy, Madame, et vous asseurés que la feste ne sera point gastée par moy. » Elle me laissa sortir, et j’envoyay la Barre faire venir les Suisses en la forme que je luy dis : puis je rentray. Je luy demanday ce qu’elle feroit des gardes françoises ; elle me dit qu’elle craignoit que Mr de Crequy ne fut gaigné pour Mr  le Prince ; je luy dis lors : « Non pas contre le roy, Madame, pour quy je sçay qu’il perdroit mille vies s’il les avoit. » Lors elle dit : « Il le faut donc envoyer querir, et vous ne sortirés tous deux que quand Mr  le Prince sera entré. » Elle envoya aussy querir Mr  de Saint Geran a cause des gensdarmes du roy[1], et la Curée[2] vint avesques le roy quand il descendit en la chambre de la reine sur les neuf heures du matin. La

  1. M. de Saint-Geran était alors capitaine-lieutenant des gendarmes de la garde du roi.
  2. Gilbert Filhet de la Curée, premier capitaine-lieutenant de la compagnie des chevau-légers de la garde, instituée par le roi Henri IV, en 1593, fut créé maréchal de camp en 1621.