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journal de ma vie.

nous serions maitres vers la my nuit non seulement du bastion, mais encores des pieces quy estoint derriere, jusques a la simple muraille quy fermoit la ville, et que, s’il vouloit, nous luy donnerions le lendemain a desjeuner dans le fossé ; dont il fut fort ayse, et se consola en quelque sorte du mauvais succes quy estoit arrivé a l’autre quartier ou il avoit perdu tant de braves hommes, et entre autres Mr  de Humières[1], premier gentilhomme de sa chambre, quy y avoit esté blessé a mort : nous fusmes voir ce pauvre gentilhomme quy tiroit a la fin, quy fut une tres grande perte ; car il estoit tres brave et vaillant, outre ses autres bonnes parties.

Je m’en revins a nos tranchées ou je vis ce que mes deux pionniers avoint fait ; et fis en mesme temps creuser certaines banquettes pour loger sur ce retranchement douse mousquetaires, avec un tel silence que les ennemis ne s’en apperceurent qu’a la pointe du jour lors qu’inopinement ces mousquetaires se hausserent pour les chasser de cette autre piece ou ils s’estoint retirés, ce qu’ils firent aysement. Mais avant qu’en desloger, ils mirent le feu a la fusée de leur mine laquelle s’arresta au lieu ou l’on l’avoit coupée la nuit mesme. Ainsy nous eumes toutes leurs pieces destachées en nostre puissance sans y perdre aucun homme

  1. Charles-Hercule de Crevant, marquis d’Humières, fils ainé de Louis de Crevant, vicomte de Brigueil, et de Jacqueline, dame d’Humières, héritière de sa maison. Suivant le P. Anselme, M. d’Humières fut tué au siège de Royan le 12 mai ; mais cette date ne saurait être exacte qu’autant que ce serait celle de sa mort, et non celle de sa blessure, puisque la place se rendit le 11. On voit ici qu’il fut frappé le 9 mai.