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journal de ma vie.

luy dis que j’avois voulu moy mesme luy apporter la nouvelle de la prise de Carmain et de celle de Cuc, et recevoir ses commandemens sur d’autres choses que je luy voulois proposer. Allors Mr  le Prince se leva et me vint embrasser, me disant qu’il avoit eu tort de dire ce qu’il avoit dit, et qu’il le repareroit en disant force bien de moy, puis me demanda sy j’en avois point encores rien dit, et que il me feroit donner dix mille escus par la ville et vingt mille a luy sy la nouvelle de la prise n’estoit point encores divulguée ; mais il se trouva que ceux quy m’avoint accompagné en avoint desja fait courre le bruit. Il ne se peut dire la joye que receurent ceux de Toulouse de cette prise : ils me firent apprester un beau logis ; les capitouls me vindrent remercier et me prier de venir le lendemain disner en la maison de ville ou ils feroint une belle assemblée pour l’amour de moy, et le bal en suitte. Mais je m’en excusay sur la necessité que j’avois d’estre promptement a l’armée, ou Mr  le mareschal de Pralain voulut venir, et le roy me pressa de demeurer ; mais parce que je voyois que l’on avoit fait forces mauvais offices a Mr  le Prince, et que le roy escoutoit mesdire de luy, je ne voulus point qu’il me peut seulement soubçonner d’y avoir contribué, et m’en allay des la pointe du jour le lendemain matin, ayant precedemment escrit, a la priere de Mr  de Chomberg, une longue lettre au marquis de Rosny[1] pour le porter

  1. Le marquis de Rosny avait été pourvu en 1610 de la charge de grand maître de l’artillerie sur la démission du duc de Sully, son père. La négociation dont parle ici Bassompierre n’eut pas de résultat ; car Rosny conserva sa charge jusqu’à sa mort (1634), et ne traita qu’en 1632, avec M. de la Meilleraye.