Page:Bastiat - Proudhon - Interet et principal, Garnier, 1850.djvu/139

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consomme, en effet, se consomme, du moins est censé se consommer reproductivement : ce qui sert à entretenir ou à faire mouvoir l’instrument, aussi bien que l’instrument même ; ce qui nourrit le travailleur, aussi bien que la matière même du travail. Tout produit devient donc, à un moment donné, capital : la théorie qui distingue entre consommation reproductive et consommation improductive, et qui entend par celle-ci la consommation quotidienne du blé, du vin, de la viande, des vêtements, etc., est fausse. Nous verrons plus bas qu’il n’y a de consommation improductive que celle du capitaliste même.

Ainsi le capital n’est point chose spécifique et déterminée, ayant une existence ou réalité propre, comme la Terre, qui est une chose ; le Travail, qui en est une autre ; et le Produit, qui est la façon donnée par le travail aux objets de la nature, lesquels deviennent par là une troisième chose. Le capital ne forme point, comme l’enseignent les économistes, une quatrième catégorie avec la Terre, le Travail et le Produit : il indique simplement, comme j’ai dit, un état, un rapport ; c’est, de l’aveu de tous les auteurs, du Produit accumulé et destiné à la reproduction.

Un pas de plus, et nous tenons notre définition.

Comment le produit devient-il capital ? Car il ne suffit pas, il s’en faut bien, que le produit ait été accumulé et emmagasiné, pour être censé capital. Il ne suffit pas même qu’il soit destiné à la reproduction : tous les produits ont cette destination. N’entendez-vous pas dire tous les jours que l’industrie regorge de produits, tandis qu’elle manque de capitaux ? Or, c’est ce qui n’aurait pas lieu, si la simple accumulation des produits, comme dit Say, ou la destination reproductive de ces produits, comme le veut Rossi, suffisait à les faire réputer capitaux. Chaque producteur n’aurait alors qu’à reprendre son propre produit, et à se créditer lui-même de ce que ce produit lui coûte, pour être en mesure de produire encore, sans fin et sans limite. Je réitère donc ma question : Qu’est-ce qui fait que la notion de produit se transforme