Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/175

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monde. Il a été également bien tenu. Vous ne pouvez pas leur en vouloir, mes amis, de reprendre maintenant leur rôle d’épouses, de mères de famille après la guerre !…

UN AUTRE, (sentencieux.)

Ça, la société pourra leur être reconnaissante éternellement.

LA FEMME.

Oui. Elles ont fait leur devoir, elles ont été admirables ; c’est vrai ! Mais je suis jalouse, tout de même… dans le passé !… Elles n’en ont pas moins appuyé mon homme contre leur poitrine pendant qu’il râlait… Oh ! je ne suis pas jalouse dans un mauvais sens, non… Mais elles l’ont pansé, habillé, nettoyé… Elles l’ont fait manger comme un pauvre gosse !… J’aurais voulu être là… Il s’est promené convalescent pendant des mois au bras d’une autre… Ils se sont dit des choses dans la souffrance que nous nous sommes jamais dites peut-être… et que j’aurais voulu entendre, moi ! On devrait être là à l’heure de la douleur… à l’heure où son homme souffre… Je sais bien qu’elles l’ont fait avec courage, mais je ne peux m’empêcher de détester celle qui l’a soigné, même encouragé, aidé, pendant deux mois en Orient, la remplaçante, dont il garde encore la photographie cachée… Et si elle était là devant moi, je lui dirais : « Entre femmes, on ne se remercie pas !… Bonsoir ! On reprend chacun son chemin… La chair, t’as aidé à la faire repousser sur les os… Maintenant, faut que j’achève toute la guérison,… et c’est ce que je vais tâcher de faire, sans Croix-Rouge au front et au bras ! »

JULIE.

Ça passera… La douleur vous a aigrie… Il faut