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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/195

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GINETTE.

Que venez-vous réclamer de moi ?

CÉCILE.

Je ne suis pas la loi, mais je serai rigoureuse comme elle. Je viens vous rappeler à l’obéissance d’un contrat que les hommes ne connaissent pas, mais que mon mari a signé de son sang. C’était une dette sacrée que vous avez acceptée avec des cris de triomphe, et de cœur léger ! Et si vous vous égariez jamais, je m’étais bien juré de vous faire respecter tout l’honneur du titre que vous portez !

GINETTE.

Quel titre ?

CÉCILE.

Elle le demande ! Lequel ! Celui de veuve !… C’est vous qui êtes la veuve. Ce n’est pas moi. Moi, hélas, j’ai porté le voile, les insignes apparents, tout le monde s’est incliné, tout le monde m’a plainte. Personne ne pouvait savoir que la femme légitime était destituée par un écrit qui vaut tous les testaments du monde. Personne ne pouvait savoir qu’un soir terrible, nous avions toutes deux échangé ce titre et ce contrat ! Pierre avait tenu à faire de vous sa veuve ; il vous avait remis le soin de sa mémoire… toute sa pensée intime… Il s’était lié à vous par delà la mort ; et tandis que sous l’outrage je pleurais mes larmes, vous êtes partie, en brandissant cette nouvelle dignité comme un trophée, comme une victoire ! Ah ! ce titre, vous l’avez réclamé avec des cris de triomphe. Je vous entends encore : « mon héros ! » On aurait dit que vous l’emportiez tout entier, et que vous alliez vous réfugier en lui ! (Elle s’assied dans une détente momentanée du corps.) Eh bien ! chose étrange, dans ma solitude, après les phases