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Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/196

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habituelles de la révolte et de la douleur, je me suis faite à ce partage posthume. À quoi ne se fait-on pas ?… D’ailleurs, on ne peut pas partager l’amour vivant… non, ça, c’est impossible, mais on est bien moins exclusif pour un amour défunt ! J’avoue que, par moments, j’ai même été allégée à la pensée que vous doubliez mes larmes, oui… oui… qu’il y avait quelque part un double de moi qui ressentait ce que je ressentais d’irréparable, presque à la même heure… Plus je me figurais grande votre peine, moins j’avais de mal à vous accorder ce titre secret et partagé ! (Farouchement.) Avez-vous bien souffert, au moins ? Puis-je en être bien sûre ? Avez-vous eu part égale ?

GINETTE.

Peut-être moins que vous l’avez imaginé, tant j’étais fière de celui qui n’était plus !… Ah ! oui, si fière de l’avoir aimé. J’ai cru l’honorer mieux en bannissant les larmes… Mais la suprême fierté, c’est vous qui l’avez eue ! Sa mort a rejailli sur vous de toute sa grandeur. Ne vous abusez pas, Cécile ; c’est bien vous qui portez le titre de veuve ; ou si vous n’en êtes pas certaine, alors, c’est que vous ne vous êtes pas encore résolue à comprendre cette vérité, que Pierre ne m’a pas fait le don de sa vie… C’est à la Patrie seule qu’il l’a fait…

CÉCILE, (elle se lève.)

Naturellement ! la guerre finie, la victoire gagnée, le débiteur, où est-il ? C’est la patrie ?… Trop commode ! Vous, vous n’étiez qu’une voix, n’est-ce pas, l’enrôleur de passage, sans aucun mandat et une fois l’homme anéanti, le drame terminé, vous ne vous souciez plus de rien ? Vous vous détachez de la suite des choses et des devoirs