Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/344

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n’en a aucune, même pas dans son égarement !… La liberté de penser… la liberté d’écrire, et même d’injurier… toutes les libertés, je les respecte… Frappez, vous êtes libre… J’ai appris cela de nos pères qui étaient grands !… Et toi, Renée, tu vas demander pardon à Gibert, tu vas demander pardon à ton tour d’avoir exercé sur lui une pression misérable.

RENÉE.

Moi !… Demander pardon !… Jamais, par exemple !…

GIBERT.

Dartès, je suis à votre disposition !… mais je vous prie expressément de réduire ce colloque à nous deux.

RENÉE.

Non, vous ne me chasserez pas d’ici !… Tu ne sais pas ce qu’il a osé… ce qu’il y a dans ce livre…

DARTÈS.

Je le sais… Je m’en glorifie !

RENÉE.

Tu ne sais pas jusqu’où a pu aller la calomnie !…

DARTÈS.

La calomnie !… Ne médis pas de la calomnie !… Tu es trop jeune pour en connaître le prix, petite !… Elle est le vin des forts, elle est une des plus belles sanctions de la noblesse de vivre et de penser !… Aux heures de doute et de relâchement, la douleur de son aiguillon ranime le courage et la volonté de bien faire. Il est juste que la vertu ait ses piloris comme le crime ! Quand j’entends les cris de la meute, je commence à me rassurer sur moi-même, et je me dis : « Alors, c’est que j’ai bien agi !» La