Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 10, 1922.djvu/74

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PIERRE.

Sa voix tremblait… Encore un de touché !

GINETTE.

Pierre, vous savez que je déteste ce genre de plaisanterie.

PIERRE.

Ce n’est pas une plaisanterie. Que ce pauvre garçon vous ait aimée, quel mal y a-t-il à cela ?… D’abord n’est-il pas naturel que l’on vous aime… et ensuite songez ce que vous êtes pour ces malheureux : le lien entre les joies du passé et celles de l’avenir… toute la femme, tout le foyer ; et qui plus est, vous êtes des femmes, qu’ils n’auraient jamais rencontrées. Ils auraient été vos inférieurs et vous vous êtes inclinées devant eux… vous les avez servis… vous les avez guéris… C’est du très bel ouvrage, Ginette. Mais un peu dangereux tout de même pour les foyers, cet ouvrage-là !

GINETTE.

Croyez-vous que nous n’aurons pas semé dans leurs âmes beaucoup de courage à côté des consolations.

PIERRE.

Oui, parbleu, du courage, de l’héroïsme chez ceux qui n’en avaient pas ! Mais chez ceux qui en avaient à revendre, au contraire, chez les simples, chez les brutes, vous n’avez fait qu’entr’ouvrir toute une zone d’attendrissement aristocratique qu’ils ne connaissaient pas et vous savez bien qu’il y en a qui retourneront dans leur foyer, guéris, mais l’âme terriblement inquiétée.

GINETTE.

Mon cher, comme ça vous va bien à vous de philosophailler en sortant de vos écritoires, de votre