Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/103

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LA PETITE FILLE.

Merci, Monsieur, j’ai tout le temps.

DON JUAN.

Vous passerez la première, je vous cède volontiers mon tour.

LA PETITE FILLE.

Vous êtes bien aimable, Monsieur… je ne voudrais pas…

DON JUAN.

C’est de grand cœur… Je ne suis pas pressé !… D’ailleurs, je sais que, passant après vous, je n’attendrai pas longtemps… Qu’est-ce qu’une sage petite fille comme vous peut bien avoir à raconter à son confesseur ?… Ce ne doit pas peser bien lourd ?

LA PETITE FILLE, (soupir.)

On n’est pas de cet avis-là chez nous !

DON JUAN.

Les parents appellent toujours gros péchés les plus mignons défauts… Voyons, avec une bouche sérieuse et charmante comme celle-là, vous devez être un peu… quoi ?… gourmande ? Que voulez-vous, c’est la faute de votre nez… votre nez qui pique gentiment vers le ciel d’un air distrait… Alors, parbleu, la bouche répare en matérialité ce que votre nez a de trop évaporé… (Il rit de cette définition en regardant Alonso qui compte les minutes à sa montre.) Ce n’est pas bien grave d’être distraite et gourmande… Ce l’est plus d’être impatiente, comme en témoignent vos petits doigts fuselés en frappant sur l’ivoire du paroissien.