Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/324

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toi que j’avais jadis conclu un petit pacte avec Monseigneur de Cabriac. « Quand vous entendrez dire : ce pauvre Barnac, il baisse beaucoup… venez donc me rendre une petite visite. » Il s’en est souvenu, le bougre ! Et il se fait précéder d’un ambassadeur en veau plein ! Une admirable édition de Pascal, ma foi, avec cette dédicace : « Un soir viendra… » Dis donc, Legardier, est-il donc vrai que j’aie baissé tellement ?… Ça se dit ?

LEGARDIER.

Aimable plaisanterie académique. Il aime mieux t’envoyer un Pascal, pour guérir ton rhume, qu’un flacon d’eau de Lourdes ! Barnac, ta santé n’a jamais été plus robuste… Quant à ta robustesse spirituelle, elle me remplit de joie !… Tu lis tout… tu pénètres tout… Toi, vieil esprit léger, tu m’éblouis… De ta méditation sort un homme réconforté et magnifique…

BARNAC.

C’est-à-dire que je fais, en vue de la soixantaine, l’éducation négligée de ma vingtième année. Les humoristes, même académiciens, manquent de lecture… Ils chargent généralement leurs secrétaires de ce soin ! Depuis deux ans, j’ai fait du tourisme d’idées… pas mal… Ça ne m’a pas trop courbaturé, mais un peu lassé.

LEGARDIER.

Il faut monter au sommet ; de là on a une belle vue…

BARNAC.

Je ne suis pas un alpiniste… Et puis, quand on est jeune, les idées, on les aime pour elles-mêmes… C’est comme les femmes : elles ne vous ont pas