Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/364

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« Restons bons amis. » La méchanceté du cœur les en a empêchés. Mais nous ?… Si vous voulez bien respecter ce pacte inoffensif de tendresse, je m’engage à n’en jamais enfreindre la pureté charmante… Me comprenez-vous, Marthe ?… Comprenez-vous, ce que je désire… Promettez de tout votre cœur sensible…

MARTHE, (s’essuyant les yeux.)

Vous le savez bien, vos désirs seront scrupuleusement respectés, quels qu’ils soient.

SERGYLL.

Mais que suis-je dans sa vie, et devant vous, moi, humble comparse, qui vaille qu’on m’associe à ce pacte dont peut-être un jour prochain, la fatalité m’excluera…

BARNAC.

Qui vous êtes ?… L’Amant. Le nécessaire lien de la jeunesse à la jeunesse. J’aurais en face de moi un autre homme que vous, je lui tiendrais absolument le même langage… Vous n’avez pas à mes yeux de caractère distinct. Je demande à l’amant la titularisation de ma tendresse et de mes droits à la retraite. Oh ! sans doute, j’entends déjà la mauvaise gouaille de Paris !… Je le connais, mon Paris de théâtre, frelaté… Ils ricaneront des mots stupides et pourris quand on la reverra jouer mes pièces… Ils souffleront méchamment, bassement : « Ménage à trois ! » et bien d’autres saletés… Qu’importe qu’ils ne comprennent pas, les malheureux, si nous, nous comprenons des choses plus élevées et si nous prononçons, comme aujourd’hui, des paroles assez grandes, celles-là justement, que les hommes ne prononcent jamais, parce qu’elles sont vraies !