Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 11, 1922.djvu/99

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DON JUAN.

Eh bien, tout réfléchi, non, ce n’est pas cela ! Mais j’ai pris goût à ma gloire !… C’est beau, la gloire ! Je viens de le comprendre… Ah ! vivre dans l’esprit des femmes et des hommes… Quelle étrange chose ! Je ne me souciais pas plus de l’opinion que je provoquais que d’une peau de pastèque !… Je vivais… Maintenant, je me rends compte de toute la valeur de ma carrière d’amant… je viens de l’estimer à son poids… Il était vraiment quelqu’un, celui qui a pu éveiller de tels rêves !… Sans aucun doute, je serai célèbre…

ALONSO.

C’est que tu parles positivement de toi au passé comme si vraiment tu t’étais enterré toi-même…

DON JUAN.

Histrionisme ! Je voudrais bien m’en aller, maintenant…

ALONSO.

Patiente une seconde encore, mon ami. La foule ne doit pas être écoulée tout à fait.

DON JUAN.

J’ai une envie folle de revoir de la verdure, de courir sous le ciel bleu ! Hop ! Je vais aller ruminer ma gloire au soleil…

(Il fait des moulinets avec son épée. Les orgues se sont tues définitivement. L’église est presque complètement vide. Les sacristains éteignent les bougies du chœur. L’ombre descend dans la nef.)
ALONSO.

Non, te dis-je… Nous allons nous heurter à des tas de gens. Tiens, encore des retardataires.

(Il désigne le chœur.)