Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/17

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sard des circonstances, par la misère, source inféconde de tous les renoncements, par le vice et le mal ! L’offense au printemps, l’insulte à l’avril, quel crime, et quel crime banal, sempiternellement renouvelé ! Presque partout d’ailleurs où le couple jeune se forme et se hausse, au moment même où il va atteindre la branche élevée du bonheur, le poignard se glisse, la haine des Capulet aiguise ses armes, et, même dans la simple idylle, le bouc lubrique tente le rapt de Daphnis… Sans compter que la jeunesse n’a pas à subir que des assauts extérieurs. C’est en lui-même aussi que l’amour porte sa destruction. On tue toujours ce qu’on aime, disent les psychologues. On le tue par avidité, par soif inassouvie (posséder, c’est déjà détruire !), mais on le tue aussi par simple inexpérience de la vie, par incompréhension, parce que la jeunesse précisément est ignorante de sa force, doute de sa suprématie. On le tue par veulerie, par peur de souffrir, d’aimer, par lâche prudence et, le plus souvent, par simple nécessité !… Ce dernier cas est le plus répandu et ce n’est pas le moins mélancolique, hélas !


LA FEMME DANS LA MÊLÉE

Dans la grande mêlée sociale, en effet, combien d’êtres, combien de femmes surtout, dépendent assez d’elles-mêmes pour réaliser leur destinée ? Reconnaissons-le sincèrement, à l’heure actuelle il n’y a pas encore pour une femme, si elle n’est artiste, savante ou rentière, la possibilité de vivre d’une vie indépendante et élevée. Prétendre le contraire, c’est mentir. Pour la plupart des femmes, la grande, l’unique ressource, c’est