le mariage ; mais le mariage est-il à qui le veut, ou à qui le peut ? Je ne parle pas des privilégiées à qui échoit la félicité de l’amour et de la richesse par droit de naissance, je parle de ces malheureuses innombrables, auxquelles la société refuse la place ambitionnée, et qui ne peuvent la trouver que dans la prostitution légale ou illégale. La loi de la femme devant ses maîtres, est encore d’être « possédée », dans toute la force du mot, physiquement, moralement. Je ne dis pas qu’elle soit serve, mais seulement qu’elle est la satellite de l’homme. Elle est annexée au règne et au royaume de l’homme. Son âme s’absorbe en la sienne. Il n’y a pas lieu de développer ici une vérité première aussi incontestable, mais ce ne serait pas la peine de croire aux buts idéals de l’humanité, si nous ne placions pas au nombre de ces buts la libération de la femme. Elle connaîtra peut-être un jour, dans une société moins hypocrite et moins livrée aux instincts de possession totale dérivée des âges primitifs, l’indépendance et une liberté qui rendront son célibat, la disposition de son être, moins suspects qu’ils ne le sont aujourd’hui… Puisse la lecture d’une œuvre comme La Possession devenir absolument oiseuse et même incompréhensible à nos arrière-petits neveux.
De ces réflexions, il ne faudrait pas conclure que La Possession soit une pièce le moins du monde sociale, ou dont le sujet pivote autour du féminisme… Loin de là et pas le moins du monde. J’exprime ici des idées presque extérieures à une pièce qui ne conte qu’une histoire d’amour après mille autres. Je ne crois pas à la pièce sociale proprement dite, pas plus que je ne crois à la pièce « à thèse ». Le théâtre étant œuvre d’art, et non chaire ou tribune, ne doit rien prouver et ne peut rien