Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/20

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« DERRIÈRE LES POUPÉES !… »

La radieuse conception de la religion catholique, c’est que l’Idée suprême, c’est-à-dire Dieu, ait été obligée, pour sauver le genre humain, de se faire chair, de se mettre à la portée de la créature, de partager ses vicissitudes et l’infériorité de sa substance… Ah ! la grande face de la Mort, les formidables leviers de haine et de ruine ont bouleversé notre planète en son été ! L’âme humaine palpite, souffre, espère, la chair aussi !… Quittons les cercles froids de la pensée, délaissons les passe-temps intellectuels et mesquins d’autrefois !… Soyons humains, soyons simples, soyons francs, soyons vrais ! Brisons les tours d’ivoire et visons droit à ce pauvre cœur fraternel des hommes, si éprouvé et toujours si abusé !… Le pouvons-nous ? Mais oui, je le crois sincèrement, et dans tous les arts. En tout cas, grâce à deux antennes sensibles dont il a le privilège, le poète, lui, possède le sens humain et le sens de l’infini, deux forces conductrices qui lui permettent d’avancer en fouillant du regard les profondeurs. C’est un don que lui ont, de tout temps, conféré les dieux. Eh bien ! qu’il le mette plus que jamais en activité. L’heure le veut. Son premier devoir est de frapper aux portes des âmes en criant : « Voyez, voyez ! La route est longue encore, mais qu’elle est belle ! Comme c’est bien de ce côté qu’il faut aller, vers les lumières qui s’appellent justice, pitié, amour et paix… Ah ! nous en sommes loin ? En marche tout de même ! Voyez !… Moi je ne suis que le vieux et modeste montreur de marionnettes. Mon rôle est bien limité, mais regardez tout de même. Oui, je sais,