Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/19

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prouver. Il suggère, voilà tout, parce qu’il est à l’image de la vie. Je pense seulement que toute œuvre quelque peu humaine, ou généreusement méditée, doit avoir des prolongements dans toutes les directions de l’idée. Par conséquent qu’elle ne saurait se soustraire à certaines préoccupations sociales qui sont notre devoir. Les œuvres de nos maîtres ont toujours apporté leur contribution à la vie morale de leur temps, même et peut-être surtout quand elles n’apparaissaient pas chargées de revendications et d’idéologie. Il y a en effet autant de nitroglycérine dans ces belles œuvres françaises qui ont nom Tartufe, Le Mariage de Figaro et que dans L’ennemi du Peuple. Comme je le disais tout à l’heure, c’est sous sa forme succincte, appliquée, dans sa simplesse, qu’une idée vraiment active peut faire son chemin. Seulement, comme le disait le peintre Renoir, rien n’est plus déconcertant que la simplicité ! Tout le monde ne peut pas la comprendre et tant d’esprits supérieurs se méprennent sur son compte en confondant platitude et simplicité ! Je suis de plus en plus persuadé que le poète, dans ce commencement de siècle, qui a tant abusé de criticisme, de l’analyse et de l’esthétique, doit aller à la grande simplicité, à la synthèse et viser le cœur de la foule, du grand troupeau souffrant. Estimer que moins l’idée est accessible aux simples plus elle est élevée, c’est une superstition littéraire bien naïve. C’est aussi un blasphème !

Nous ne sommes plus le siècle des professeurs, des pédants et des théoriciens. Nous serons le siècle de la vie ou nous ne serons rien et l’idée la plus haute, la plus belle, si elle n’est pas humanisée, n’est que souffle et néant !…