Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/275

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cher petit !… Il ne savait pas… mais c’était mon cher petit… Monsieur, mon tout petit… Qu’est-ce que je vais devenir… (Elle éclate de nouveau en sanglots.) Eh bien ! vous pouvez aller lui dire, de ma part, qu’il n’a rien à craindre, que je ne lui ferai aucun mal… ça, jamais de la vie !… Il peut compter qu’il n’entendra plus parler de Jeanne, comme il le désire. S’il revient voir Jeanne Boulard, elle éprouvera une joie infinie ; s’il ne revient pas, eh bien ! je vivrai tout de même avec tout le courage que je pourrai et sans l’importuner. Je ferai ce qu’il voudra que je fasse et vous lui direz aussi que, lorsque vous m’avez donné ce coup de couteau, j’ai eu la force de le recevoir, la force de lui souhaiter qu’il ait beaucoup… beaucoup de bonheur avec une autre femme… Avec sa femme… quoiqu’il se marie bien jeune… bien jeune !… Enfin ! c’est peut-être moi qui l’ai entraîné à ça ! Dites-lui que j’étais préparée à l’idée qu’un jour je ne le verrais plus et que le dernier mot que vous m’avez entendu dire, c’est le mot que je ne pouvais pas prononcer devant lui, de peur de le fâcher, parce que je n’étais pas digne de le prononcer !… Je ne le prononçais que lorsque j’étais toute seule, rentrée dans ma chambre… Mon chéri… mon chéri… Voilà… maintenant, Monsieur… allez-vous-en, je vous en supplie, je désire rester seule, sans quoi, je n’aurais plus la force… je souffre trop… Allez-vous-en… Vous m’avez dit tout ce que vous aviez à me dire, n’est-ce pas… Alors…

(Elle sanglote, la tête dans ses mains.)
MANEUVRIER.

Je me retire très ému, croyez-le, Mademoiselle… très ému… Je me permettrai de vous écrire pour