Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/288

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LEVASSEUR.

Ah ! ça, voyons… vous m’inquiétez diablement, savez-vous. Que signifient ces paroles bizarres ? On dirait que vous voulez amortir une triste nouvelle !… Blessé ?… gravement ? Quoi ?… Hein… Hein ?… Vous ne répondez pas. Il y a une chose sûre, en tout cas, c’est qu’il n’est pas mort, puisque vous n’êtes pas en deuil… Et c’est la première pensée qui m’est venue quand vous êtes entrée… Mais, dès que je vous ai vue avec cette toilette claire, l’idée a été écartée.

JEANNE.

Oui, la robe noire, le crêpe arrivant tout à coup par une porte… c’eût été plus bref encore qu’un télégramme ! Maintenant, il y a bien cinq minutes que je suis là… cinq minutes que vous êtes un peu réhabitué à entendre parler malechance… Alors, le moment sera moins dur… Et puis… et puis… moi, je n’en peux plus ! (Elle éclate en sanglots.) Paul !… Mon Paul !

LEVASSEUR.

Mais c’est épouvantable ! Jeanne, dites-moi que je comprends mal…

JEANNE, (éclatant.)

Ton fils est mort… Entends-tu !… Ton fils est mort !

(Levasseur tombe assis, se prend la tête dans les mains.)
JEANNE.

Ça te fait de la peine, hein ?… Mon grand chéri n’est plus ! Il y a deux jours que je l’ai appris… Des mitrailleuses allemandes l’ont fauché du oôté des Éparges… On l’a vu tomber en reconnais-