Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/292

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console un peu de ne plus entendre ouvrir la porte et crier tout à coup dans le dos : « B’jour maman ! Ça va la petite santé ? » (Elle fond en larmes.) Mon Dieu ! Mon Dieu !

LEVASSEUR, (très ému, allant à elle.)

Pauvre, pauvre femme, que je plains de tout mon cœur… Je veux améliorer désormais ta vie, tâcher dans une certaine mesure, au moins…

JEANNE.

Mais non ! mais non ! Tu n’es pour rien dans cette abomination. Ne t’excuse pas… Ce n’est pas à cause de toi qu’il est mort, n’est-ce pas ?… Tu l’aurais reconnu, ce serait le même prix, au bout du compte… Alors ?… Seulement, je suis contente que tu aies pu me recevoir, que je t’aie annoncé moi-même le malheur.

LEVASSEUR.

Avec des précautions si touchantes !

JEANNE.

Et aussi que tu saches par moi que, précisément, parce qu’il n’était pas fait pour la guerre, lui si doux, si tendre, il a tenu à ne reculer, devant aucun danger, aucune attaque… Je suis sûre que de ça, tu es un peu fier, n’est-ce pas ?… Dis-le-moi, ça me fera plaisir !

LEVASSEUR.

Hélas ! tu me demandes inlassablement de revendiquer l’orgueil d’une paternité, alors qu’il ne s’agit plus que de pleurer sur des cendres… Être fier de celui dont j’ai abandonné la vie, et qui me donne cette leçon de devoir par sa mort, voilà où