Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/299

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où l’ai-je mis ? (À Madame Levasseur.) Vous voyez, Madame, je n’ai pas encore mes habits de deuil. Mais un vieux manteau noir et des yeux rouges, dans la rue, ça suffit pour nous désigner et pour qu’on dise : « En voilà encore une ! »

MADAME LEVASSEUR, (l’aidant à mettre son manteau et sur un geste d’excuse de Jeanne.)

Si une mère, Madame, ne comprenait pas votre douleur, qui la comprendrait jamais ? Quand on a aimé, chéri, protégé, gâté même son enfant, rien qu’une pareille idée vous fait passer des frissons ! Mon Dieu ! Mon Dieu ! que pareille chose m’arrive et je ne sais pas ce que je deviendrais ! Je vous plains sincèrement de tout mon cœur, sans vous connaître !

JEANNE.

Merci, Madame. En revanche, je vous souhaite d’être une mère heureuse !

MADAME LEVASSEUR.

Dieu vous entende !… (À son mari.) Le fils de Madame n’était pas de l’usine…

LEVASSEUR.

Non, non… le père seulement !

MADAME LEVASSEUR.

Alors dans ce cas, Madame, au moins, il vous reste…

JEANNE, (l’interrompant en la regardant bien dans les yeux.)

Pas même ! Mon fils était orphelin, Madame… Adieu, Madame, et encore merci, Monsieur Levasseur.

(Elle sort.)