Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/355

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pendant que je l’entends, cette voix virile, mon cœur me répète inlassablement tout bas : « Ton fils, c’est ton fils. » Je ne l’ai pas, mon pauvre enfant, cette émotion ?…

(Il va à lui comme pour l’étreindre. Paul a un mouvement de retraite très net.)
PAUL.

Ah ! non, non !… N’exagérons tout de même pas… Pendant trente ans, on ne s’est pas embrassé, il n’y a aucune raison pour que nous commencions aujourd’hui…

LEVASSEUR.

Il y en a d’énormes et de nouvelles… D’abord, il y a eu, quoi que vous en disiez, l’aventure tragique, durant laquelle nous avons tous cruellement senti que si vous faisiez le sacrifice de votre vie à la patrie, cette vie, nous vous l’avions donnée… Et ce remords-là, chez moi, cette angoisse ont…

PAUL, (l’interrompant.)

Les avez-vous ressentis quand j’ai été appelé le jour de la mobilisation ? Y avez-vous même songé ?… Non, n’est-ce pas ?…

LEVASSEUR.

Peut-être… Je ne me le rappelle pas… L’égoïsme est le premier cri du cœur. Vous voyez ! Vous avez été dans cette maison la notion même du devoir oublié, de tout le devoir humain qui se levait en moi à cet appel avec des figures sévères de reproches…

PAUL.

Nom de nom !… j’ai été tant que ça ?…