Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 12, 1922.djvu/76

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bles, afin de devenir quelqu’un et de me conquérir…

MAX.

Les bouchées doubles ! Ah ! si tu savais ce que j’en mets… ce que je peux bûcher tous les soirs jusqu’à deux heures du matin !… Je n’étais soutenu que par l’idée de l’avenir… Ah ! pourquoi m’as-tu fait luire le bonheur si c’était pour le détruire !

JESSIE.

D’ailleurs, on dirait que je t’apprends une nouvelle ! N’étais-tu pas résigné, au fond, comme moi, à l’avenir inévitable ?

MAX.

Oui, c’est vrai… au fond, j’étais fixé. Tu t’es toujours refusée à moi, pourquoi ? Par prudence… Selon toute tradition, ta virginité a été réservée comme un capital intangible sur lequel on ne prélève que des hypothèques…

JESSIE.

Tais-toi, tu es immonde, maintenant… et d’une injustice !

MAX.

Tu portais orgueilleusement ta robe comme si tout ton avenir résidait dans la fermeté de ta gorge… dans la fraîcheur de ta chair… Tu t’es réservée comme un morceau de choix… Moi-même j’ai subi cette superstition… je t’ai respectée jusqu’à la terreur.

JESSIE.

Crois-tu que tu ne m’as respectée qu’en raison de ces timidités-là ?

MAX.

Parfaitement !