Page:Bataille - Théâtre complet, Tome 2, 1922.djvu/114

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respirer… je n’en peux plus… respirer !… Et ne discutons pas. Ce sera ainsi, parce que je le veux… là.

FÉLIX.

C’est une raison ! Alors, s’il n’y a rien à faire…

GENEVIÈVE.

Rien.

FÉLIX.

Alors… (Geste navré.) Mais, êtes-vous si sûre que ça de ne plus l’aimer ?

GENEVIÈVE.

Oui… De l’affection amicale, il y en a encore en moi… de la pitié, aussi… de l’amour, plus… Comment s’est opéré ce changement ?… Lassitude, sans doute… Et cependant, je l’ai tant aimé, Félix !… Un beau matin, on se réveille délivré de ce poids… on ne sait pas… c’est fini !

FÉLIX.

Eh bien, partez, partez !… Mais vous allez le rendre très malheureux.

GENEVIÈVE.

Hélas ! oui, voilà la triste chose ! Malheureux, en effet.

FÉLIX.

Évidemment, c’est votre droit, de partir, mais bien qu’il ne vous aime pas à passion, il sera malheureux, et peut-être éternellement… de vous sentir absente et de vous avoir fait souffrir à ce point.

GENEVIÈVE, comme à elle-même et tristement.

Justement. Je suis acculée à ce dilemme : ou il faut que j’en meure, ou il faut qu’il souffre à son tour… J’ai vainement retourné ça dans ma cervelle, nuit et jour… Je n’ai trouvé qu’un moyen pour remédier à tout, et ce moyen qui allégera ses remords, je vais l’employer… Il est terrible, amer et pas fameux… au moins, il est sûr. Il faut qu’il ne puisse plus, vous entendez, jamais me regretter… jamais. Sa vie a autrement d’importance que la mienne… Il a beaucoup de talent, et je n’ai pas le droit, même en me sauvant, de